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Film d’Édouard Molinaro, 1992

avec Claude Brasseur et Claude Rich.

 

L’histoire

Paris, 6 juillet 1815, tard dans la soirée, il fait chaud et l’orage gronde. Trois semaines après la défaite de Waterloo, alors que le peuple se pose de sombres questions sur son avenir, deux hommes soupent à huis clos, Talleyrand et Fouché. Talleyrand est ministre des relations extérieures et Fouché, ministre de la police et Président du gouvernement provisoire. Talleyrand et Fouché, pendant ce souper, vont se livrer à une joute verbale à fleurets mouchetés, dont l’enjeu est l’avenir du pays. Ils vont être tour à tour adversaires et complices, passant de l’attaque à la défense avec adresse et détermination. L’idée, c’est que ce soir là, « La France est à qui la voudra ! »

Le sous-type ennéagramme social

Omniprésent. Les caractéristiques du profil social sont presque toutes là : réseaux, amitiés, raisonnement social sur les différentes parties impliquées dans le processus de succession, prestige, ambition sociale, honte potentielle en cas de mauvais choix, devoir de discerner la meilleure voie pour la France, devoir de faire passer au second plan ses préférences individuelles au profit de l’avenir du pays…
L’intérêt du film réside dans les deux incarnations bien différentes de ce sous-type : le louvoiement du Trois social orienté Prestige face à la vivacité intellectuelle orienté Devoir du Six. Les deux hommes savent qu’il leur faut discuter, confronter leurs points de vue sur le meilleur régime possible pour la France. C’est assez complexe parce qu’il y a plusieurs lignes de force : les républicains/jacobins, les nations étrangères victorieuses, les partisans de la monarchie ou Fouché avec le peuple…

Le profil Ennéagramme Trois, sous-type social

Talleyrand, profil ennéagramme Trois social, (dans ce film, en tous cas) reste centré sur l’objectif. Il est obsédé par l’idée de parvenir à un accord. Il faut convaincre Fouché, qu’il connaît depuis plus de trente ans, sans jamais l’avoir vraiment rencontré, de renoncer à « y aller tout seul » et lui vendre que la moins mauvaise solution pour la France est la restauration de la monarchie. Sauf que cette voie est pour Fouché un saut dans l’inconnu plein de possibles scenarios catastrophes…
Talleyrand va suivre les caractéristiques de sa base Trois : rester en lien à tout prix, négocier, charmer, séduire, convaincre petit à petit. Depuis le début de la soirée, le profil Trois a pressenti que ça n’allait pas être du gâteau, mais bon, Fouché a accepté de venir, c’est déjà ça. Il a ferré son poisson et il ne va pas le lâcher. Je donne un coup de manivelle… et je lâche un peu de mou, nouveau coup de manivelle… quitte à utiliser des arguments un peu légers : « En grimpant tout en haut de l’arbre, je suis persuadé que nous finirions bien par trouver une branche où nous ancêtres sont perchés côte à côte… »
Changement de sujet, lorsque la conversation tourne à son désavantage : « Un peu de champagne ? Il vous redonnera le goût des bonnes choses… ». Pirouettes, évitement de la colère : « Vous allez mieux ? Alors pourquoi me cherchez vous querelle ? ».  Il propose de trinquer à « l’immobilité de l’histoire et au mouvement des affaires. »
Pour arriver à ses fins, il a préparé un souper « stylé » qui en jette. Le menu est pantagruélique dont « Le saumon qui vient du Rhin par courrier spécial de Strasbourg à Paris. » Je vous passe le reste qui vous mettrait les papilles dans un état pavlovien…
Par hasard (mon œil !), il y a même de la musique qui provient de l’étage du dessus : « Un orchestre vient jouer chaque soir pour mettre dans les meilleures dispositions possibles le colonel Orlov et le prince de Metternich que j’héberge dans mes appartements. Vainqueurs à Waterloo, ils vont bientôt devoir statuer sur l’avenir de la France. »
Un des travers de ce type apparaît parfois : la vanité ou, plus précisément, une certain suffisance « Nous, nous tirons les fils et, à ce jeu là, je suis le maître… » Le Trois avance masqué. Il préfère faire parler son interlocuteur en premier, pour mieux s’adapter, en fonction de la réponse : Peut-être avez vous quelque projet pour la France ?
– « Plusieurs. »
– « Plusieurs ? Racontez moi ça … »

Plutôt que de s’opposer directement, mieux vaut tergiverser  avec des : « Vous êtes sérieux ? » À la fin, son flair lui a révélé qu’il fallait rassurer : « J’estime plus prudent de nous donner nous-mêmes un maître. Les Bourbon sont les seuls à présenter certaines garanties de durée, de stabilité. » Bien joué : face à un Six, il parle de garanties, de stabilité, de prudence.

Le profil Ennéagramme Six, sous type social

Fouché est en fait, depuis fort longtemps, un super ministre de l’Intérieur. En bon Six, il supervise non seulement des agents, un service de sécurité solide, mais surtout un super réseau de renseignements. Il dispose d’espions partout pour tout savoir sur tout le monde. Il a des « fiches », c’est à dire des rapports précis sur qui est qui, qui fait quoi, qui fraye avec qui. Joséphine, elle-même, venait l’informer chaque matin de ce que Bonaparte lui avait dit sur l’oreiller… Les infractions commises par tous ceux qui comptent en France n’ont également pas de secret pour lui : adultères, abus d’alcool, ainsi que tous les actes honteux susceptibles de ruiner une carrière. Le renseignement lui permet de se rassurer, de se prémunir d’éventuelles attaques.
Pour lui, « la situation n’est pas simple, la chambre a proclamé Napoléon II empereur. Et Marie-Louise régente… Il y a aussi Philippe d’Orléans et… le peuple. Une république, revenue de tous ses excès et délivrée de ses illusions serait une solution à la vacance du pouvoir. » En bon profil ennéagramme Six, il énumère les différentes parties, dresse le tableau et essaie d’y voir clair. Puis, il nomme ses doutes : « Je crains que le peuple n’accepte pas le retour des Bourbon : solution fragile et impopulaire… » ; « Ma police est puissante mais elle ne peut régler à elle seule une insurrection générale… »
Après, il ose avancer sa solution risquée : « J’ai un projet : m’appuyant sur les jacobins, je dissous le gouvernement et forme un pouvoir communal où se retrouveront tous les républicains. Une république assagie, égalitaire… que je prépare avec soin depuis des mois. » Encore du Six : prudent, il a anticipé !
À la fin, lorsque l’accord a été conclu, qu’il est sur le départ et qu’il devrait partir, il ne peut s’empêcher d’essayer de comprendre pourquoi Talleyrand, un jour, a fait assassiner un jeune cousin du roi. Il ne peut pas partir sans avoir tout compris, ou extorqué le maximum d’informations de son interlocuteur. « Il était jeune, il était innocent, il était fidèle à son roi, il n’avait pas de vice…Alors, pourquoi ????? »

Apprentissage Ennéagramme

Rarement dans un film deux personnages du même sous-type ennéagramme sont aussi clairement représentés. Toujours dans le registre des sous-types, la situation est cocasse :

  • D’un côté, l’environnement de ce soir d’été orageux est typiquement survie : en bas de l’immeuble, sous la peur de l’inconnu, le peuple gronde, s’enflamme, tire sur les fenêtres et peut surgir à tout moment pour trucider les deux convives et saccager les lieux.
  • D’autre part, la situation est un tête-à-tête… entre deux profils sociaux.
    Le plus éclairant est certainement le contraste visuel entre les deux profils. De par leur sous-type, ils jouent du même instrument, même s’ils ne jouent pas la même partition. De par leur type, ils divergent dans leur approche de la question.

Par ailleurs, le Six, Fouché, est clairement contre-phobique. Ses attaques verbales sont joliment incisives. Mais il va finir par céder : même si la solution retenue lui offre de bien piètres garanties sur son avenir, il estime de son devoir social de faire passer ses peurs derrière le meilleur avenir possible pour la France.  Pour Talleyrand, c’est tout bénéfice : le futur  roi lui sera éternellement redevable d’avoir permis son retour au pouvoir. Certaines scènes sont jubilatoires et le cadre historique ne manque pas d’intérêt. Bon film !

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Le type 3 de l’Ennéagramme
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