le-retour-de-martin-guerre-v2Le Retour de Martin Guerre

Film de Daniel Vigne, 1981

avec Nathalie Baye et Gérard Depardieu

L’histoire

D’après une histoire vraie.
1542, sous le règne de François 1er, village d’Artigate, comté de Foix, en France.
Après avoir quitté le domicile familial sans prévenir, alors qu’il était marié et père, un jeune homme, Martin Guerre, revient chez lui après huit ans d’absence. Son père et sa mère sont décédés. Retrouvailles avec les autres villageois, avec sa femme, avec ses proches. Il dit qu’il était à la guerre, en Flandres, en Espagne et ailleurs. Après quelque temps, il a repris son travail aux champs, est apprécié de tous, mais il se querelle avec son oncle, propriétaire des terres auquel il demande des comptes sur « son bien qui a fait du fruit pendant ses années d’absence ». Puis, plusieurs indices laissent entrevoir qu’il n’est peut-être pas celui qu’il prétend. L’affaire devient juridique et Jean de Caurasse, Conseiller au Parlement de Toulouse, est mandé à Artigate pour cette affaire de possible usurpation d’identité.

Le cadre général du film

L’atmosphère du film est imprégnée d’énergie Quatre. On est dans du vrai, dans de l’authentique, du beau : reconstitution historique provenant de l’analyse de documents d’époque. Énorme soin sur la reproduction des costumes, des us et coutumes (la cérémonie de mariage, la fête de la Chandeleur, la rebouteuse qui soigne, le travail à la ferme), lumière à la lueur des chandelles lors de la veillée, musique avec airs de l’époque et « vrais » instruments. On n’est pas dans les montages d’Hollywood ! On est dans un petit village de l’Ariège, qui a été aménagé et soigneusement décoré : un vrai cours d’histoire avec les couleurs et les odeurs de la bonne vieille terre de France.

Le profil Ennéagramme Six contre-phobique

Le rôle principal est un rôle de rebelle. Martin allie une certaine douceur chaleureuse propre à nombre de Six, avec un côté antiautoritaire. Novateur, il a une nouvelle vision du métier : planter de l’orge alors que personne n’y a encore pensé. Chaque fois qu’il est pris à partie, il a le sens de la répartie vif, acide. Dès qu’il se sent en danger, il défie par un verbe agile. Acculé par la peur, il attaque. Le personnage joue sur le doute, avec des éléments paranoïaques : « Il y a un complot terrible contre moi, de ma propre famille. » Plus loin : « Pourquoi je me serais fait passer pour un autre ? ». « La preuve qu’il est payé, c’est qu’il n’arrive que maintenant. »
En psychologie, il est généralement considéré que les troubles de l’identité concernent davantage les profils Trois que les autres. Mais je ne pense pas que ce soit le cas, ici. On a affaire à un homme qui prend des risques, et quels risques : cette histoire d’imposture, à l’époque, c’est la peine de mort. Dans l’explication donnée dans le film, on est sur une piste Six ou Sept : « Je l’ai connu à la guerre, il m’a parlé de sa femme, de son fils et de sa maison. Et puis, un jour, j’ai rencontré deux hommes qui m’ont pris pour lui et qui m’ont dit : « Salut Martin ! C’est ça qui m’a donné l’idée. J’ai songé : pourquoi pas moi, à sa place… Je me suis renseigné de droite et de gauche. Martin m’avait dit qu’il ne rentrerait pas… » Suit le reste de l’explication sur ses motivations. Le schéma demeure le même : il n’a pas fait ça pour l’argent, ni pour le confort. Il l’a fait par défi, comme les Six contre-phobiques qui jouent souvent  à des jeux dangereux : Chiche ? Même pas peur ! « Je n’ai pas besoin de conseiller pour me défendre. » La peur donne du courage, de l’habileté. Je ne pense pas qu’un profil Sept aurait pris de tels risques pour s’amuser. Il aurait trouvé parmi ses nombreuses autres possibilités un support moins risqué pour se faire plaisir.

Le sous type Ennéagramme en tête-à-tête

Là, tout y est : le regard à l’œil brillant :« Quand il me regardait, je ne pouvais pas bouger, j’avais l’impression de brûler », la focalisation de l’attention, le charisme. Lors de la veillée, comme lors du procès, il sait concentrer l’attention sur lui. Ses récits de bataille, lors de la veillée, sont un grand moment de cinéma par le cadre, la lumière, mais aussi par sa forte présence.

L’alliance du profil Ennéagramme Six avec le sous-type en tête-à-tête

Le mot clé ici est « Force-Beauté ». La force, c’est le courage d’affronter le danger, d’affronter ses peurs. Une force intérieure qui soulève des montagnes, une transformation de sa peur en force.

Ici, Gérard Depardieu incarne plutôt la force. Soi-disant sûr de lui, il dégage une énergie puissante, qui pourrait faire penser à celle d’un Huit. C’est d’ailleurs la principale faille de l’Ennéagramme, cette ressemblance possible entre Six contre-phobique et Huit. Seule la motivation intérieure peut nous éclairer, puisque, de l’extérieur, pas mal de paramètres se ressemblent.

Cette idée de force ressort plusieurs fois : « Il s’est transformé, sa corpulence a changé, il est devenu plus fort. » Mais cette force ressort également dans ses capacités mentales : « La mémoire de cet homme semble infinie…. Comment peut-il savoir tout ce qu’il sait ? Comment peut-il avoir réponse à tout ?… C’est un habile bavard… »

Une chose est claire : Martin pense vite, assimile les informations à la vitesse du vent et est capable de s’en resservir aussi sec.

Le profil Ennéagramme Neuf

Pour les praticiens de l’Ennéagramme, je me demande si le personnage le plus intéressant du film n’est pas Bertrande de Rols, la femme. C’est un cas d’école plutôt sympathique de la problématique du profil Neuf : la paresse. Un beau matin, Bertrande voit arriver un gars dont, dès le premier coup d’œil, elle sait très bien que ce n’est pas son mari. Et pourtant, elle ne dit rien. Pourquoi ? Problématique Neuf typique : comme je  ne sais pas quoi faire, je me tais. Paresse de ne pas oser exprimer son point de vue. Cela pourrait engendrer trop de vagues. Donc, attendons. Peut-être le temps résoudra t-il les choses… Qui sait ? N’oublions pas non plus les considérations socioculturelles de l’époque. Au XVIe siècle, que vaut l’avis d’une femme contre l’opinion d’autres hommes qui, eux, ont reconnu Martin ? Même sans être de base neuf, la situation n’est pas simple, alors, pour une femme.
Plus tard, quand l’oncle porte plainte pour usurpation d’identité, il suffirait qu’elle se lève et s’écrie : « Stop. C’est bien mon mari. Je le sais, j’en suis sûre. Personne d’autre que moi ne peut en être aussi sûre. » Et l’affaire serait pliée. Mais, en base Neuf, pas si simple de se lever pour proclamer son point de vue, surtout contre celui de l’oncle qui l’impressionne. Donc elle se tait. Condamnant déjà Martin ou, tout au moins, aggravant ainsi le chef d’inculpation, par son silence.
Plus tard, l’oncle rédige un faux, prétendant que Bertrande a signé d’une croix la déclaration d’imposture. Elle n’a rien fait de tel, mais, là encore, elle se tait. Il suffirait qu’elle déclare que c’est un faux, qu’elle peut le prouver, puisque entre temps, elle a appris à signer de son nom. Elle ne bouge pas. Paresse encore. Elle n’arrive pas à s’exprimer dans un contexte conflictuel.

Plus tard, elle retrouvera la force de dire qu’on l’a forcé à se taire… mais il est trop tard. Ce manque de force intérieure à oser braver dans l’instant son inertie pour parler va être fatal à son compagnon.

Le sous type Ennéagramme en tête-à-tête

Peu d’éléments, si ce n’est leur histoire d’amour et les regards qu’ils échangent. L’un comme l’autre ont validé le fait, que, dès le lendemain de leur nuit de retrouvailles, ils n’avaient plus la force de révéler à quiconque la supercherie. Elle est heureuse, elle se tait. Question du Conseiller Jean de Caurasse : « Vous vous êtes aimé ? » « Oui… » Mais on sent bien que ce n’était pas de l’amour plan plan, mais plutôt une relation embrasée.

L’alliance du profil Ennéagramme Neuf avec le sous-type en tête-à-tête

Les mots-clé sont Union/Fusion. Entendez : fusion avec les desiderata du partenaire. Bertrande va d’autant moins s’exprimer qu’elle fusionne avec ses besoins, ses désirs à lui. Et lui souhaite continuer l’anonymat. Bonne raison de plus pour ne pas se demander ce qu’elle voudrait, elle. Il est heureux, elle est heureuse. Donc, elle se tait.

Ce qui m’a touché
  • L’alliance de force et de fragilité dans le personnage de Depardieu. Rarement la combinaison des mots Force et Beauté s’est incarnée aussi éloquemment.
  • L’illustration de la peur comme support de créativité, d’ingéniosité.
  • L’histoire d’amour dans un contexte particulier.
  • Le personnage de Jean de Caurasse, également de profil Neuf, semble t-il, qui, dans un premier temps, essaie de trouver le moins mauvais jugement à rendre dans cette histoire compliquée.
  • L’homogénéité des décors, des costumes, de la musique et de quelques expression en vieux français qui sentent bon le pays d’Oc et qui donnent au film une émotion intense.
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