Le Grand Bleu
Film de Luc Besson, 1988
avec Jean-Marc Barr, Jean Reno, Rosanna Arquette
Jean-Marc Barr y incarne l’histoire d’un champion de plongée en apnée. Pendant toute la première partie du film, le personnage est coupé de ses sensations et de ses émotions. Plongeant dans un trou sous la glace, il en ressort indemne, comme s’il avait été capable de ne rien ressentir du froid. Il est néanmoins attachant et sensible, mais isolé du monde extérieur. Le périmètre de sécurité qu’il met entre lui et les autres est bien présent. Les échanges verbaux sont minimalistes : il ne doit pas prononcer plus de cinquante mots dans ce film de trois heures ! Il y a une tirade intéressante quand, après vingt ans d’éloignement, les deux amis se retrouvent pour un déjeuner : « Alors, tu as des questions ? » demande Jean Reno. Silence. « Pas de questions ??? » redemande Jean Reno. « Non, je n’ai pas de question. » Ce qui n’empêche pas le personnage interprété par Jean-Marc Barr d’être très présent. On peut interpréter ce passage de plusieurs façons : « Tu es là, je suis là et c’est bien » ou : « Je ne suis pas doué pour poser des questions » ou encore : « Je suis ému, c’est rare chez moi, et quand je me laisse toucher à cet endroit, je ne suis pas capable de mettre des mots. » C’est la confirmation qu’un Cinq survie peut à la fois se taire et être néanmoins tout à fait présent à ce qui se passe. Détaché, mais présent. Pendant la seconde partie du film, on va le voir apprendre à accepter à ressentir davantage. Ces retrouvailles avec son ami d’enfance, la rencontre avec une femme (Rosanna Arquette) vont l’aider à recontacter ses émotions. On va le voir pleurer, être inquiet et oser le dire, extérioriser son rire, demander à son ami de l’aider à remettre un dauphin en liberté, s’incarner davantage dans sa vie. Il va même oser nommer en partie son problème de coupure affective en montrant à sa compagne la photo d’un dauphin en lui disant, ému : « Je te présente ma famille ». À la fin du film, le réalisateur Luc Besson fait le choix de nous donner une conclusion où ce personnage rebascule dans ses travers plutôt que d’assumer une vie « d’homme normal » avec femme et enfant. Par ailleurs, Luc Besson raconte qu’une heure avant de donner la bande du film à dupliquer pour la sortie en salles, il avait toujours deux versions : celle qui vient d’être évoquée et l’autre avec un « happy-end ». S’il avait fait ce deuxième choix, le film aurait alors montré la voie de transformation du Cinq survie osant dépasser sa peur des relations humaines et de la dépendance pour oser vivre une vie incarnée.
Ce film touche le coeur de la problématique de ce profil. Par ailleurs, la mer et les dauphins pourraient être considérés symboliquement comme les échappatoires que le Cinq a dans sa tête pour ne pas entrer en contact avec la réalité.