Greer Garson, Robert DonatAu revoir, Mr Chips

Film de Sam Wood, 1939

avec Robert Donat

Relativement méconnu en France, ce film de 1939 conçu à partir d’une histoire vraie, valut à l’époque, l’Oscar du meilleur acteur à Robert Donat, dans le rôle principal.

1900, Brookfield School, Angleterre. Dans ce pensionnat de garçons, règne une atmosphère bon enfant. Un jour de rentrée, débarque un jeune professeur. Quelques ingrédients du profil Cinq sont déjà là : timide, un peu froid, relativement dépourvu d’autorité naturelle, M. Chipping, est arrivé avec tout le bagage de connaissances nécessaire pour instruire, mais n’a jamais été formé à affronter une bande de garnements espiègles. Comme défense, il va choisir de se refroidir encore, même si une certaine humanité perce sous la carapace. Un jour qu’il punit la classe, ses élèves ne le ratent pas : « Nos sentiments, vous vous en fichez ! » Même s’il déclare se sentir parfois seul, on sent qu’il lui est difficile de nouer le contact, d’établir un lien autre que formel. Il va vivre seul pendant longtemps, sans aucun autre lien que ses liens professionnels. Ici, le sous-type social va amplifier la rétraction du Cinq dans le sens où sa timidité naturelle va se doubler de l’inquiétude à commettre un impair au niveau social. Un jour, lors de vacances en Autriche, il rencontre une femme et celle-ci, un soir de bal, lui demande de danser : « Danser, devant tout ce monde ? » On peut voir là autant un indice sur le type que sur le sous-type. Il épouse cette femme, Kathie (plutôt tête-à-tête) qui le métamorphose. La glace fond et l’humanité du Cinq apparaît. Il reste un peu de distance avec l’autre et du formalisme, mais on se met à rigoler dans ses classes. Il devient chaleureux au sens d’une proximité délicate, pas très expansive, mais subtile et attentionnée. Il a toujours été concerné par les autres, mais là, on sent qu’il ose se laisser toucher au niveau du cœur. Il accepte de laisser pénétrer en lui les émotions de l’autre. Sa dimension sociale se révèle : il est connu de tous, connaît tous les prénoms des enfants de l’école, se souvient du caractère de leurs pères. Il est heureux de cette humanité, même s’il reste modeste quant à cette notoriété.

Le monde évolue, les traditions s’écroulent, la guerre arrive. Ce film est en territoire Cinq au sens où l’histoire du monde alentour nous parvient à travers le filtre des murs du collège. On est protégé du monde extérieur, pas directement en contact avec ses réalités, comme le Cinq dans sa vie quotidienne. La guerre va dévorer nombre d’élèves et de professeurs. Là encore, M. Chipping, devenu familièrement M. Chips, va oser se laisser toucher par la tristesse de la mort de ces jeunes hommes qu’il a bien connus.

Très émouvant, ce film est un cas d’école sur la délicatesse du Cinq. J’ai toujours défendu la thèse que le Cinq était probablement un des types les plus sensibles et que ce que l’on considérait comme de la froideur, vu de l’extérieur, était une protection. On retrouve aussi le côté professoral du Cinq, souvent prêt à partager ses connaissances, s’il estime que l’écoute dont il bénéficiera sera à la hauteur du cadeau qu’il fait en transmettant ce qu’il sait.