Film de David Russel, 2015,
avec Jennifer Lawrence, Robert de Niro, Bradley Cooper
L’histoire
Une jeune femme, la trentaine, issue de la middle class américaine, farouchement déterminée à réussir, va se battre pour réaliser son rêve, en dépit de son excentrique et dysfonctionnelle famille. Basé sur une histoire vraie, le film mêle portrait de famille, trahisons, déraison et sentiments.
Le type Trois
Ce film est unique, tant les différentes émotions de ce profil sont bien représentées, malgré leur complexité. Mieux encore, il est question ici de savoir « écouter le fond de son cœur » pour discerner ce qui semble juste et se battre pour.
L’appellation la plus courante pour définir ce profil est « Le Battant ». L’ennui, c’est qu’en français, aujourd’hui, ce mot est non seulement réducteur, mais également pétri de connotations négatives. « Battant » évoque pour beaucoup un arriviste sans foi ni loi pour qui la fin justifie les moyens. Sauf que ce sens ne concerne heureusement qu’une infime partie des représentants de ce profil, et pas les plus reluisants… Ici, Joy propose une incarnation plus séduisante qui ose assumer sa vulnérabilité émotionnelle.
Joy est le pilier de sa famille. Elle ne porte pas ses proches à la façon du Huit, grâce à une énorme énergie, elle les « gère ». C’est à dire qu’elle trouve des idées concrètes pour optimiser les situations, comme trouver un truc simple pour faire cohabiter dans la même pièce deux hommes qui se détestent. Joy possède l’ensemble des caractéristiques de ce profil : enthousiaste, positive, décidée, pragmatique… Oui, elle est « battante », mais à sa façon : avec une certaine humilité, dans la mesure de ses moyens. Elle ne prétend pas être autre chose que ce qu’elle est : une jeune mère, divorcée, qui se retrouve avec ses parents à charge, cohabitant dans la même maison, sans beaucoup de moyens.
Le film nous montre toute une palette de « comment le Trois joue de ses émotions ». Le soir, elle sait se mettre en lien rapidement avec sa fille pour passer un joli temps avec elle, puis, tout aussi rapidement, lui dire bonsoir pour accomplir quelque chose ou entrer en lien avec quelqu’un d’autre. Elle sait, non pas charmer, mais jouer d’émotions simples pour convaincre. Encouragée à bien s’habiller pour vendre un produit à la télévision, elle va refuser, préférant s’habiller avec ses vêtements de tous les jours pour se sentir plus authentique.
Avec sa sœur, avec qui les rapports sont pour le moins compliqués, elle sait « gérer » ses émotions pour faire au mieux avec la situation telle qu’elle est.
Plus tard, il lui faudra plusieurs fois franchir des obstacles insurmontables pour continuer son projet et Jennifer Lawrence saura magnifiquement nous faire ressentir des ressentis intérieurs contrastés : l’abattement, la tristesse, la colère, la révolte, la récupération émotionnelle, le calme dans la tempête, la froide courtoisie, le bluff… Démontrer cette capacité à remétaboliser des émotions négatives en force intérieure pour mieux repartir au combat », sachant que ce n’est pas un combat frontal, fait de combativité, mais plutôt une course tendue vers l’objectif, genre steeple-chase où il faut à la fois courir vite et courir longtemps, avaler divers obstacles plus ou moins hauts et plus ou moins larges, tomber et se relever, remettre de la vitesse, ne jamais perdre de vue l’objectif, retomber, se relever à nouveau… et atteindre finalement l’objectif.
Le réalisateur nous présente ce caractère dans la vraie vie, et cela sent le vécu. Dans ce schéma émotionnel qui doit gérer ses émotions pour ne pas qu’elles le handicapent, chaque moment est un mix de plusieurs émotions. On découvre ainsi que ce type Trois est beaucoup plus subtil que ce que l’on a pu écrire autour de ce mot « Battant ». La mixité de ces émotions finit par nous faire comprendre pourquoi il est si adaptable. Par exemple, à ne pas être que « gentil » ou « convaincant », mais gentil et convaincant pour le mieux de tous à cet instant là. Ainsi, Joy apparaît souvent comme fatiguée et déterminée, centrée sur ses besoins et à l’écoute des besoins des autres, fonçant vers l’objectif et consciente des émotions de ses proches. Progressivement, on finit par apprécier cette malléabilité émotionnelle, le plus souvent utilisée à bon escient dans ce film. Rarement, ce profil aura été traité avec autant de finesse et de délicatesse.
Le sous-type survie
Omniprésent. Joy vit avec son clan (pas facile à vivre, mais qu’elle ne laissera jamais tomber) dans une maison, avec sa fille. Elle a un métier, des problèmes d’horaires, pas assez d’argent, bricole quand quelque chose est cassé dans la maison… Elle a le sens pratique et va le démontrer.
Apprentissage Ennéagramme
Tous les qualificatifs du Trois collent à Joy : caméléon, qui sait rebondir, s’adapter, conscient de son image… Ici, ces compétences sont « bien » utilisées, au sens où il s’agit de tendre vers le bien. Réaliser son rêve, oui, mais pas à n’importe quel prix. Rester honnête, branché sur « le fond de son cœur » qui lui sert de guide. Avec tous les aléas possibles : comment être sûr d’une vérité émotionnelle intérieure qui fluctue régulièrement ? Il est question ici de l’intuition émotionnelle. « Savoir » ce qui est juste à partir d’un élan du cœur, savoir à qui faire confiance, savoir qu’il n’est pas l’heure de renoncer, savoir s’aligner sur son enfant intérieur qui possède une force indestructible, et savoir utiliser cette force pour atteindre l’objectif.
Tous les Trois ont ce pouvoir, tous les Trois ont ce potentiel, ce film nous en offre une bien belle incarnation, sur un mode humble et sain. En dépit de personnages secondaires décevants et d’une ou deux longueurs, le film est une réussite. Vive Joy !