Film de Tom Hooper, 2006
avec Helen Mirren et John Malkovitch
L’histoire
1579, Palais de Whitehall, Londres. Elizabeth Iére, qui règne depuis vingt ans, a toujours refusé de se marier. Sans mari, il ne peut y avoir d’héritier direct, et il en résulte un danger de guerre civile entre ceux qui rivalisent pour sa succession. L’Angleterre est un pays protestant, petit et vulnérable et les puissances catholiques, conduites par l’Espagne, attendent de s’emparer du trône de la reine hérétique Elizabeth Iére.
Le sous-type Ennéagramme social
Même si ce profil ennéagramme Un sous-type social est fréquemment interprété au cinéma, je doute qu’il y ait beaucoup d’autres rôles qui illustrent aussi bien les tensions qui habitent ce profil. La plupart des actes et des décisions d’Elizabeth dépendent de son statut et elle finit, presque toujours, par décider ce qui est le plus socialement correct. L’emploi du “Nous” lorsqu’elle s’exprime souligne qu’il y a deux personnes en elle : une femme de chair et de sang qui n’a pas le droit à la parole et une reine, qui doit mettre ses émotions et ses sentiments de côté pour prendre, à chaque instant, la décision optimale pour son pays. “Si nous voulons une alliance contre l’Espagne, le duc d’Anjou semble un bon choix : il est le frère du roi de France et il me donne un allié catholique.” En fait, elle a évacué tous les prétendants précédents parce qu’ils n’étaient pas socialement compatibles. Parfois, la nostalgie de son état pointe : “La parole est libre et … j’aimerais bien l’être, aussi”. “Qui peut dire à son coeur où il doit le mener ?“
Le profil Ennéagramme Un
Renforce l’obligation du sous-type social à agir comme il faut. “La question n’est pas de savoir si je vais me marier, mais avec qui je devrais.” Le film est intéressant, grâce, justement, à ces prises de conscience de ses propres sentiments. “La reine ne sait pas comment elle va. Comment elle va et comment elle se sent ne sont pas des questions d’importance. Elle se demande parfois si on lui accorde le luxe de ressentir quoi que ce soit.” En fait, elle va être amoureuse pendant plus de dix ans du comte de Leicester (fabuleusement interprété par Jeremy Irons) mais, “ Si je me marie, ce doit être avec un membre d’une famille royale. Je ne peux donc pas me marier avec vous.” Point final.
L’alliance du profil Un et du sous-type ennéagramme social
Indestructible association de la détermination du point Un et du sous-type social : le “Il faut, je dois” du Un est décuplé par son homologue “Se conformer aux normes” du sous-type social. Un soir, alanguie et fatiguée, seule avec son soupirant, elle se laisse aller à quelques bisous énamourés : “Nous allons vous embrasser.” Jusqu’à ce que le bisou ne s’approche trop près du “French kiss” ! Alors, le double censeur intérieur intervient et met un terme à l’expérience ! Ses désirs de femme ne doivent pas s’opposer à ses devoirs de reine et… le devoir prime ! Retour au duc d’Anjou : “Pour la sécurité de ma personne et de mon royaume, je dois faire aboutir ce mariage.”
Apprentissage Ennéagramme
Il y aurait plusieurs thèmes importants à travailler sur ce film : la dynamique relationnelle, l’évolution progressive du point Un… mais ce qui retient surtout mon attention, c’est que ce film permet d’établir une différence assez claire entre le profil ennéagramme Un social et le profil ennéagramme Six social. En général, ces deux là sont comme des frères jumeaux, dans la mesure où le « Devoir du Six social motivation sécuritaire» peut se confondre avec le « Devoir du Un social motivation intégrité ». Ils vont souvent, l’un comme l’autre, accoucher notamment de grands serviteurs au service de l’État. Ici, Elizabeth va organiser une présentation surprise à sa cour de ses quasi-fiançailles avec le Duc d’Anjou. Toute contente d’avoir enfin trouvé un fiancé socialement compatible, elle va tomber des nues quand, au lieu d’applaudir et d’encourager l’union, la cour se fige dans un silence glacial, montrant sa désapprobation. Il y a là le rappel du côté « ici et maintenant » du Un, qui n‘a pas toujours la secondarité du Six qui, lui, aurait au moins envisagé une autre alternative à la solution la plus optimiste… À l’opposé, ce film permet de valoriser le Un social dont le côté le pire : borné-inadaptable est trop souvent souligné. Ici, Elizabeth, de par son sous-type social, a une bonne vision des forces en présence sur l’échiquier politique : puissance des états, rapports de forces entre ces états, évolutions possibles de l’équilibre en présence… Elle est également lucide sur sa politique intérieure, et elle discerne à l’avance les conséquences de certaines actions. Autre bon côté de ce profil mis en valeur : le service du bien commun. Il y a quelque chose d’émouvant dans ce sens du sacrifice individuel au profit du plus grand nombre.
Ainsi résumé, le film pourrait paraître pâlot. C’est compter sans les mille et une intrigues, rivalités, coups bas, alliances… On ne s’ennuie jamais, on prend une bonne leçon d’histoire et on ne peut qu’applaudir devant les performances des acteurs (Emmy Award de la meilleure actrice pour Helen Mirren), et se régaler devant les costumes, qui ont également été primés. Bon film !