Londres, décembre 2010. Merci Monsieur Naranjo.
Merci d’abord pour vos livres qui finiront bien, un jour, par exister en français, pour vos travaux et pour votre pédagogie.
En vingt ans d’ennéagramme, on a le temps de se faire quelques idées sur le système… mais sur les hommes qui ont été à l’origine du renouveau de l’ennéagramme depuis 1970, il s’est dit tant de choses…. Et sur Claudio Naranjo, plus particulièrement ! Après avoir tant entendu son nom et lu quasiment tous ses livres, c’est avec l’esprit ouvert que j’ai été rencontrer Claudio à Londres. Voici un résumé de ce séminaire.
L’homme : à 78 ans, Claudio Naranjo porte la barbe, pas fleurie, mais fournie ! Il a toujours l’œil qui pétille et le verbe clair. Il devient vite évident que Claudio s’appuie sur une immense culture : psychologique, ethnique, philosophique… Il est aussi rapidement établi que, comme Helen Palmer, il incarne ce qu’il dit. Le nombre «d’heures de vol» en développement personnel, en remise en question de soi, et en pratiques méditatives se ressent. Il y a du recul, de la gentillesse, de la délicatesse, notamment lorsqu’il évoque ses relations passées avec Oscar Ichazo en souriant : « Bon, quarante ans ont passé, il y a prescription maintenant… » ou lorsqu’il répond à un participant : « Vous savez, trouver son trait principal peut prendre vingt ans pour certains, alors, si vous n’avez pas trouvé le vôtre après ce premier exercice de dix minutes…. »
Le contenu : j’étais particulièrement intéressé par ce séminaire, ouvert à tous, et qui se voulait une introduction à l’ennéagramme, sur deux jours. Bravant la neige, 92 participants étaient là, dont les deux tiers ne connaissaient rien à l’ennéagramme. Sans vivre de scoop ou de véritable surprise, j’ai eu de bien belles confirmations.
La posture de l’animateur : conforme à celle des animateurs de la tradition orale : tout sauf un prof qui fait un cours ! Claudio est d’abord là pour proposer des expériences, pour co-créer avec nous le contenu de ces deux jours. Il s’agit d’abord de faire comparer notre état habituel fait de réactivité automatique (Passions émotionnelles, fixations mentales) avec un état différent, lorsque nous sommes centrés, alignés, ouverts.
Les mots varient pour définir ces « deux formes du moi », mais ici, on n’est pas là pour philosopher sur les mots ou inoculer du savoir, on est là pour vivre ces deux états, constater que les deux existent en soi et se demander pourquoi nous sommes si paresseux à nous contenter de l’un alors que l’autre n’est pas si loin.
Vous me direz : tout cela n’est pas nouveau ! Certes, mais vous en connaissez beaucoup, des animateurs ennéagramme qui renoncent à 80% de ce qu’ils auraient à dire les deux premiers jours d’une formation, pour valoriser des exercices, au détriment d’une connaissance verbale ? C’est souvent le cas chez les animateurs formés par Helen Palmer qui préfèrent mettre les participants en valeur et travailler sur leurs vécus que d’étaler leurs connaissances.
Revenons à Claudio : la prise de contact est progressive : « Pourquoi êtes-vous là aujourd’hui ? » Au travers des réponses, un mot va émerger : « Au fond, nous sommes tous des chercheurs… ». La suite sera un mélange d’exercices et de présentation des fondamentaux de chaque point.
Remarque : Claudio va nous révéler qu’il est celui qui a converti les appellations des neuf formes de l’ego d’Oscar Ichazo en neuf chiffres… avant de réinsérer des noms de baptême pour chaque base dans son premier excellent ouvrage : Ennea-type structures pour des raisons pédagogiques. En clair, le vieux débat sur l’intérêt de ces appellations ou non est laissé à la libre interprétation de chacun…
Temps fort : un participant demande :
. « On ne change pas de type au cours de sa vie ? »
. Réponse de Claudio : « Non »
. « Et donc ? »
. « On travaille sur soi, pour incarner son type à un niveau différent. »
. « Comment ? »
. « Le travail de fond, en fait, consiste à équilibrer les sous-types… »
Remarque : en deux jours, face à 70 participants ne connaissant pas leur base et 22 la connaissant, le mot « aile » ne sera pas prononcé qu’une seule fois, le mot « flèche » une dizaine de fois, et le mot « sous-type » une quarantaine de fois.
Que dire de plus ? Que la vraie finalité du système consiste à se pencher sur les sous-types ? Ils sont nombreux à le dire : . Claudio Naranjo le dit, Helen Palmer le dit, David Daniels, Peter O’Hanrahan, Richard Rohr et Andreas Ebert, aussi. À eux six, 200 d’expérience de l’ennéagramme, quinze livres, et l’expérience de plus de 100.000 participants. Une paille ! Alors certes, c’est un peu plus délicat de proposer un système en base 27 plutôt qu’un système en base neuf, mais je connais peu de participants qui ont vraiment creusé les sous-types et qui se passionnent après pour les ailes et les flèches. Cela ne veut pas dire qu’elles n’existent pas, cela veut dire que, à terme, leur impact sur le développement de la personne est moins important que celui des sous-types.
Question d’un participant : « Pourquoi les sous-types semblent-ils si importants ? »
Réponse : « Parce qu’un sous-type peut-être si prégnant qu’il peut camoufler un type et que la personne peut se tromper de profil dominant. »
Au final, j’ai été heureux de voir confirmer, dans les faits, une méthode pédagogique en laquelle j’ai toujours cru, d’entendre une mise en perspective de l’ennéagramme dans une dimension universelle et de voir confirmer l’importance des sous-types. Concernant l’homme, j’ai envie de revenir à l’un de ses premiers mots : au fond, Claudio est un chercheur qui, quarante ans après son premier livre, continue ses recherches sur la nature humaine avec la même passion. Cela se voit sa présentation des profils: par rapport à son livre d’il y a vingt ans, les mots ont évolué. Ils sont devenus plus synthétiques et plus imagés. Claudio Naranjo nous a révélé qu’il ne voyagerait plus beaucoup. Alors, merci et à bientôt pour la traduction de vos livres en français !