Film de Malik Bendjelloul, 2012,
avec Sixto Rodriguez, Stephen Segerman…
L’histoire
Au début des années 70, à Detroit, Michigan, le chanteur Sixto Rodriguez enregistre deux albums. C’est un échec, à tel point qu’on raconte qu’il se serait suicidé sur scène. Plus personne n’entend plus parler de Rodriguez….
…sauf en Afrique du Sud où son disque devient un symbole de la lutte contre l’Apartheid. Des années plus tard, une fois la démocratie établie, deux fans du Cap partent à la recherche de Sugar Man. Leur enquête prend une tournure incroyable et se transforme en thriller plein de surprises, d’émotions et d’inspiration.
Le type Cinq en survie
Sixto Rodriguez est un minimaliste, il ne demande rien à personne et se contente de peu. Il travaille comme ouvrier, habite dans la même maison depuis quarante ans et mène une vie spartiate. Quand, exceptionnellement, de l’argent rentre, il le donne. Il va vivre des événements hors normes et, avec le recul, il en parle avec des mots simples. Il illustre bien la sensibilité du Cinq (le plus sensible de tous les profils ?) qui diffuse ses émotions dans une forme de simplicité. Comme si, après avoir essayé de les remettre à plus tard, il acceptait de se laisser toucher, mais pudiquement. Même dans ce cas là, une période d’acclimatation est nécessaire. Le premier concert en est une illustration : il va se promener sur scène une quinzaine de minutes, pendant que la guitare basse égrène les mêmes notes inlassablement, le temps que le public et lui apprennent à se connaître avant de se rencontrer. Comme un amoureux impressionné qui aurait besoin d’un peu de temps pour faire retomber l’intensité des émotions et qui trouverait un artifice pour que le contact s’établisse progressivement sans avoir à prononcer un mot.
Le « Totem », mot clé du Cinq sous-type social
Le mot clé « Totem » trouve ici toute sa signification. Tant la chanson Sugar Man que le disque Cold Play sont des totems. Dans l’histoire présente, ce sont des symboles culturels qui incarnent la résistance d’un peuple. Ce sont des référents sociaux : aujourd’hui, cette chanson est un classique en Afrique du Sud. Elle représente un courant d’idée, des valeurs humaines universelles, une époque, une génération. C’était le propos des totems autrefois : par des représentations symboliques, évoquer l’histoire et la culture d’une tribu.
Conclusion
Basée sur une histoire vraie, ce documentaire a l‘ampleur d’un vrai film. Le récit chronologique prend la forme d’une enquête de détective. Etrangement, même la forme du film est Cinq : nommer des éléments sans fioritures, l’un après l’autre, jusqu’à ce que, cognitivement, l’histoire prenne forme. Apparaît alors la dimension humaine du personnage qui s’ajuste avec l’histoire d’un pays qui n’est pas le sien. L’arrivée de Sixto Rodriguez, dans ce documentaire jusque là un peu factuel, se passe comme dans un conte de fées : jusqu’à un moment, on racontait juste une histoire et, tout d’un coup, l’histoire devient réelle.
Lauréat de l’Oscar du meilleur documentaire en 2013 ainsi que de six autres prix, Sugar Man est un film bouleversant ainsi qu’une merveilleuse incarnation du non attachement , la qualité essentielle du Cinq. Emotions garanties. Bon film !
La critique du Journal Le Monde : « Un film qui rend heureux ! »