Film de Zabou Breitman, 2009,
avec Daniel Auteuil, Marie-Josée Croze
L’histoire
En une nuit, Pierre va partager avec sa belle-fille Chloé, un grand secret qui le hante depuis vingt ans, celui qui le mit face à lui-même, à son rôle d’homme et à ses manques. Le secret de cet amour pour Mathilde, qui l’a mis au pied du mur de choisir entre sa passion pour elle et une route plus sûre et plus connue.
Le type cinq
Le début du film nous plonge dans le monde du Cinq. La sobriété est poussée à son comble et le spectateur est un peu perdu : il y a un homme et une femme, probablement pas en couple, et deux petites filles. L’ambiance est morose et les dialogues minimalistes. Comme cela dure, la personnalité du type Cinq va se distinguer d’autant mieux. Tout chez Pierre (Daniel Auteuil) est sobre : les gestes, les mots parlés ou écrits, la présence. Comme le disent souvent les représentants du type 5, c’est comme si j’avais peur de ne pas avoir assez d’énergie pour faire tout ce que j’aurai à faire ce jour là, alors, j’économise mon énergie, comme un conducteur qui ne sait pas s’il va avoir assez d’essence pour arriver à la prochaine station pour faire le plein. D’un autre côté, Daniel Auteuil dégage aussi de la pudeur. Il se tient, sinon à l’écart, du moins à distance de cette femme et des enfants. C’est le fameux périmètre de sécurité dont le type Cinq a besoin. Là encore, c’est sans méchanceté, c’est juste que trop de proximité ferait monter des émotions qui perturberaient la pensée. Merci donc à ce long préambule où se déploie cette présence 5 avec ses caractéristiques principales.
Puis, pour aider cette femme dans le désarroi, il va faire le choix de lui raconter une histoire d’amour dont il n’a jamais parlé à personne.
Le type cinq sous-type tête-à-tête
On rentre alors dans la confidence, mot-clé pour désigner les deux facettes de ce profil 5 en tête-à-tête : d’un côté, il a ses moments de réserve, de retrait, de pudeur et, de l’autre, il crée des moments d’intimité où il peut accueillir ou livrer des confidences.
On va, alors, découvrir comment cet homme plutôt discret peut tomber amoureux au point de balbutier devant des clients, au point de vivre ces moments où plus rien ne compte que la présence de l’être aimé. Il va vivre cette passion dévorante où l’on devient un superman grâce à l’autre, où l’on devient créatif, ludique, exclusif, joyeux quand il est là et, a contrario, obnubilé par son absence quand il n’est pas là, avec le besoin de lui raconter au téléphone tout ce que l’on fait pour essayer de le ramener dans son présent. Il n’y a pas grand doute sur son sous-type : l’intensité du regard, le zoom de l’attention, la capacité à intensifier l’émotion de l’instant présent… Ce couple va vivre une passion dévorante, comme un feu qui brûle de l’intérieur, qui vous anime, qui vous transcende, qui vous galvanise… où rien n’existe plus au monde que la nécessité de vivre en présence de l’autre, à le regarder et à le trouver beau. De l’autre côté, ce même feu amplifie le manque de son absence, la cruauté de ne pas pouvoir le rejoindre à volonté, la fadeur du monde quand il n’est plus là et alors, ce feu devient un monstre qui vous dévore de l’intérieur.
L’originalité du scénario vient du contexte. Cet homme d’une cinquantaine d’années, pas très sexy, fatigué qui, l’air de rien, avec des mots simples et touchants se met à raconter une sublime histoire d’amour avec sa tendresse, ses émois, ses mots doux… Il y a comme un décalage entre le look du narrateur et ses qualités de conteur.
A la fin du film (on ne va pas tout vous raconter, ça gâcherait votre plaisir !), certaines femmes s’exclameront : « Ah, les hommes ! ». En fait, je pense que rarement un film a mis autant en valeur ces deux pôles contradictoires de ce profil 5 en tête-à-tête : d’un côté une forme d’isolation défensive vis-à-vis des autres et, d’un autre côté, cet autre pôle qui va vers l’autre, qui a besoin de tendresse, de proximité, d’enthousiasme, de changement, de folie. Ce n’est pas Docteur Jekyll et Mr Hyde, mais plutôt Penseur lointain et Enthousiaste joyeux qui cohabitent en une seule et même personne, avec tous les paradoxes possibles que peut offrir l’alliance de ces deux facettes contradictoires. Même si ces deux polarités peuvent exister chez chacun de nous, chez le type Cinq en tête-à-tête, elles sont toujours chamailleuses et souvent et turbulentes.
Daniel Auteuil et Marie-Josée Croze sont époustouflants, le scénario est original et l’on découvre en passant une des vertus du type 5 : savoir donner de son intimité pour aider l’autre sur son chemin. Quand au climat de “confidences”, il est omniprésent et bien représentatif aussi de ce profil. Bon film !
En savoir plus sur :
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