Film d’Alan Parker, 2003
avec Kevin Spacey, Kate Winslet, Laura Linney
L’histoire (Allociné)
Militant contre la peine capitale au Texas, le docteur David Gale, un professeur d’université, se retrouve à tort condamné à mort pour le meurtre de l’activiste Constance Harraway. Dans sa cellule, il reçoit Elizabeth Bloom, une journaliste qui mettra tout en œuvre pour prouver son innocence. Y parviendra-t-elle ?
Les limites du choix d’un film
J’ai pas mal hésité avant de choisir ce film, pour deux raisons.
Pour une fois, l’énergie de Kevin Spacey ne colle pas avec le rôle qu’on lui fait jouer. L’acteur donne l’impression d’être plutôt un type mental, alors que le rôle qu’on lui fait jouer se rapproche plus du type Un. Résultat : si les comportements, les choix, les motivations du Docteur David Gale sont conformes avec les données du Un social, sa présence manque de poids, sans que les qualités de l’acteur ne soient en cause.
Par ailleurs, la peine de mort est un sujet délicat qui touche non seulement à la morale, mais qui inclut aussi des paramètres religieux et culturels.
Le type Un a des côtés jusqu’au boutiste. Il est entier, déterminé, persévérant. De tous les profils, il est celui le plus concerné par l’exemplarité. David et sa collègue, Constance, vont nous montrer les limites extrêmes de l’engagement. Ce sont des réformateurs sociaux : lutter encore et encore pour une juste cause, comme Gandhi ou Nelson Mandela.
Ils sont peu adaptables, extrêmement engagés dans leur combat. Dans la plupart des cas, il s’agit d’une lutte binaire, le bien contre le mal. Ici, au Texas, la cause injuste existe depuis longtemps et la majorité des citoyens sont de son côté. Plus précisément, deux texans sur trois sont favorables à la peine de mort. Il va donc falloir travailler d’arrache-pied, se donner du mal, donner de la voix, pour espérer, un jour, faire gagner sa cause. Le combat est inégal mais, peu importe, le Un est doté d’une force surhumaine, d’autant plus qu’il se croit du côté du bien. Comme, en plus, il ne s’autorise qu’à employer des moyens légaux, cela risque de prendre du temps. Dans ce film, il va falloir créer un argument solide, légal et convaincant pour démontrer l’absurdité de la peine de mort.
Le Un sous-type social: Inadaptabilité (Peter O’Hanrahan)
Ce sous-type est à l’aise avec un rôle social sécurisant et des règles bien définies. Dans leur vie personnelle, ils sont généralement amicaux et grégaires. Mais leur envie de vouloir faire les choses correctement rend difficile leur adaptation à de nouvelles situations et peut également générer du ressentiment et de la critique envers ceux qui agissent “incorrectement”.
Analyse du film
Le film va d’abord nous montrer le pire du sous-type social : torpiller la réputation de quelqu’un en répandant des rumeurs, en faisant croire qu’il a commis un acte innommable. C’est l’adage : calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose ! Ici, une jeune étudiante fait croire qu’elle a été violée par David Gale. Résultat : peu importe que ce soit vrai ou non, la réputation du professeur est détruite à vie et il va perdre son métier, sa maison, sa femme et son fils.
La deuxième partie du film nous retrace la descente aux enfers d’un homme que l’on accuse du pire alors qu’il s’est battu toute sa vie pour défendre la droiture.
Dans un troisième temps, le réalisateur va décliner un plaidoyer rude et sans concession contre la peine de mort, en nous montrant le meilleur côté du sous-type social : tout donner à sa cause et établir la preuve que la justice peut se tromper et la peine de mort faire exécuter un innocent.
C’est un film de Un social qui cherche à réformer et qui se bat contre une norme Un sociale qui prêche la peine de mort. Ces deux forces sont aussi inadaptables l’une que l’autre. Chacune se veut l’incarnation du Blanc se battant contre le Noir et chacune est sûre de ses certitudes. Les « pour » sont pour à cause de raisons de sécurité : la lourdeur de la peine est dissuasive et permet donc de limiter les crimes. Les « contre » sont contre parce que l’on peut toujours se tromper et envoyer un innocent en prison et ça, c’est mal !
Le film joue sur le fait que les indices sont trompeurs et qu’il ne saurait y avoir une seule vérité. C’est un film assez proche de Gran Torino, aussi beau, dans un registre différent. Dans un cas comme dans l’autre, l’intrigue est totale. Ces deux films évoquent la vie, la fin de la vie, la mort et l’espérance. C’est un beau film sur la détermination du Un, son abnégation, sa droiture envers son idéal. C’est un film engagé, épuré, où les clivages vie/mort et coupable/innocent sont exprimés dans une pudeur sobre qui donne de la densité émotionnelle.
À d’autres moments, le film devient plus complexe, les arcanes du champ social entrant en jeu. Mais la trame principale demeure : sur fond de « la peine de mort est inacceptable », jusqu’où peut aller un Un social pour prouver aux partisans de ce procédé qu’il est source d’erreurs ?
Second rôles
Le personnage de Constance est probablement Neuf social.
Celui de la journaliste jouée par Kate Winslet, plutôt Deux, Trois ou Quatre en tête-à-tête, qui cherche à restaurer son image. Dans leur conversation en prison, le contraste entre les deux sous-types est fort.
Faux-ami
Croire que le fait d’avoir fauté un soir de fête élimine irrévocablement le profil Un serait un piège. Avec une certain expérience, il devient évident qu’il n’est pas possible de valider ou d’invalider un profil sur un seul indice. Par ailleurs, le livre d’Helen Palmer Le Guide de l’Ennéagramme, évoque remarquablement cette dualité du profil Un. Helen évoque le phénomène de la “trappe” pour ce profil. Un comportement antinomique avec leur rigueur habituelle, comme la trappe qui partirait d’une pièce bien rangée pour donner sur un grenier, au-dessus, où règnerait chaos, désordre et douce folie. Comme si nombre de types Un savaient se créer des temps de “créativité folle” qui leur sert d’exutoire pour écouler le trop plein de colère qui les ronge. Un exemple classique est le carnaval. Pour l’avoir vécu en Allemagne plusieurs fois, il m’était apparu que, pendant ces jours de carnaval, ceux qui se lâchaient le plus étaient ceux qui étaient les plus raides les 51 autres semaines. Pendant ces jours là, ils devenaient boute-en-train, dans des déguisements extravagants, s’autorisaient gestes légers et marivaudages… Du self control habituel, ils passaient, le temps du carnaval, à l’absence totale de contrôle à leur spontanéité. Pour en revenir à notre film, se faire piéger un soir de fête, après avoir pas mal bu, est un indice qui ne me semble pas suffisant en soi pour établir ou réfuter un type… Bon film !
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