Film de Paul Verhoeven, 1992
avec Michael Douglas, Sharon Stone
L’histoire
Nick Curran, inspecteur de police à San Francisco, enquête sur le meurtre d’une star du rock, tué à coups de pic à glace par une inconnue lors de chauds ébats amoureux. Nick apprend que le chanteur fréquentait Catherine Tramell, riche et brillante romancière. Au cours de son enquête, il s’aperçoit que les parents de Catherine sont morts dans un accident suspect et que son ex professeur de psychologie a été assassiné dix ans plus tôt également à coups de pic à glace…
Le Type Huit
À peine arrivé sur les lieux du crime, Nick commande, dirige, prend les choses en main. Corporellement, sa puissance et sa forte présence impactent l’entourage. Les décisions sont rapides. Il est impulsif, immédiatement réactif à ses envies et à ses désirs.
Ayant abusé de l’alcool dans le passé, il doit effectuer des visites régulières chez une psychologue, conformément aux ordres de l’inspection générale de la police. Arrivant en retard, il affiche un « Désolé, j’ai été retenu » avec le ton de celui qui met l’autre devant le fait accompli. Il est furieux de cette obligation : « C’est de la connerie, tu le sais très bien ». En clair, il vit mal les contraintes (point de ressemblance entre le type 7 et le type 8).
Par ailleurs, Nick nous montre un classique de la problématique Huit : être perpétuellement dans le tout ou rien : soit les gens et les choses se plient à sa volonté, ou il est dans la colère immédiate. Le film est intéressant parce que la personnalité de Catherine Tramell le déstabilise, le tout ou rien ne marche pas avec elle. Elle ne rentre pas dans son schéma de confrontation frontale. Elle a son franc parler, mais sa personnalité est plus mouvante. Comme lui, Catherine est dans le champ des dominants, mais sa pensée est plus secondaire. Son verbe est sophistiqué, ses mots sont à la fois directs et pleins de sous-entendus. Par ailleurs, elle fonctionne sur un registre passé-présent-futur bien plus étendu que lui qui, comme la plupart des Huit, est avant tout bien ancré dans le présent.
Le sous-type en tête-à-tête
La majorité des mots clé de ce sous-type prennent leur place dans ce film : jalousie, rivalité, compétition, séduction, sex-appeal, fascination…
Rappel de la synthèse de Peter O’Hanrahan : « Les Huit en tête-à-tête utilisent leur puissance et leur forte présence pour posséder (ou contrôler) le partenaire ou les proches qui en valent la peine. Cela peut aller jusqu’à devenir esclave de cette pulsion, incapable de s’adapter ou de lâcher prise. » C’est typiquement le scénario de ce film. Très vite, Nick est « accro » : au delà de la relation érotique qui les lie, Nick fait une fixation sur Catherine. Il est obnubilé, ne pense plus qu’à elle. C’est d’une telle évidence que tous ses proches le constatent et le lui disent : « Tu vois où elle te conduit ? » « Tu ne peux pas l’oublier un peu, sors toi cette nana du cigare » « Cette fille te prend la tête, Nick, ne l’approche pas ». Une fois que Catherine a passé avec succès l’épreuve du détecteur de mensonges, ses collègues estiment que l’affaire est terminée. Nick, lui, ne veut rien lâcher. Même s’il agit avec la conscience professionnelle du policier convaincu de détenir le coupable, il y met une telle fougue, un tel emportement, qu’il en devient excessif. L’exaltation du tête-à-tête accroît l’impulsivité du Huit. Un inspecteur de l’IGS le sait et en joue : il suffit de l’asticoter un peu pour que Nick explose.
Le côté Possession/Reddition apparaît clairement dans une poursuite en voiture où elle essaie de le semer et lui allie son sens de la compétition tête-à-tête avec sa force Huit pour ne pas la perdre. Je dois « posséder » cette relation au sens « avoir le contrôle » sur ce qui se passe. Ce n’est pas seulement dominer la situation au sens machiste du mot, c’est aussi tout savoir, tout connaître pour maîtriser la relation, à un point quasiment obsessionnel.
Ce même lien puissant peut curieusement amener un comportement inverse : une telle fixation sur une relation peut amener un total abandon. Aimer l’autre au point de le laisser diriger la relation, organiser l’emploi du temps et accepter de suivre la plupart de ses choix.
Autres intérêts du film
Le troisième personnage, la psychologue, a également toutes les caractéristiques du sous-type tête-à-tête. En plus de Nick et Catherine, cela fait donc trois représentant typiques de ce sous-type. Comme ils sont de types différents, cela donne différentes colorations d’un même schéma.
Si vous aimez les thrillers, l’intrigue vous tiendra en haleine jusqu’au bout. Le film a du rythme, les profils psychologiques sont étonnamment crédibles, les seconds rôles excellents. Seul bémol, le film propose des scènes de relations sexuelles d’un réalisme tel qu’il pourrait apparaître excessif à certains.