la-memoire-dans-la-peauLa mémoire dans la peau

Film de Doug Liman, 2002

avec Matt Damon, Franka Potente, Chris Cooper

 

L’histoire

Sur la côte adriatique, un bateau de pêcheurs, un soir de tempête, repêche un corps à la dérive. L’homme est en vie. Il a été blessé par balles. Il a aussi, sous la peau, une petite capsule indiquant un numéro de compte à Zurich. Soigné à bord, le malade se réveille brusquement et agresse le médecin. On le calme et il découvre alors qu’il a perdu la mémoire. Il est capable de faire des nœuds de marine, parle plusieurs langues, sait lire et écrire… mais ne sait plus rien de son identité d’avant : « Je n’ai aucune identité, je ne suis personne. » Débarqué, il se rend à Zürich et découvre progressivement qu’il est expert en arts martiaux et qu’il est suivi à la trace par une mystérieuse organisation.

 

Le type Ennéagramme Six

On se retrouve ici dans un pur schéma de type Ennéagramme Six. David Daniels, dans son livre Trouver son profil Ennéagramme et savoir qu’en faire, Interéditions, mentionne, page 62 : « Croyance de ce profil : le monde extérieur est menaçant et dangereux et personne ne peut faire confiance à personne. » Stratégie mise au point en cohérence avec cette croyance : « J’ai appris à être vigilant… »

Ici aussi, pour notre héros, le monde extérieur est imprévisible et dangereux. Le pire peut arriver à tout moment. Il doit donc rester sur le qui-vive, accumuler les informations, les traiter aussi vite que possible, afin d’espérer demeurer en vie. Des méchants le poursuivent. Ses yeux scannent le paysage alentour à la recherche d’indices afin de se prémunir d’attaques éventuelles. Il détecte les caméras de surveillance, s’en méfie : il ne faut pas se faire repérer. Agressé, il est étonnamment réactif. Comme s’il était formaté pour faire face au pire, déjà anticipé. Il va successivement trouver des portes de sortie, inventer des scénarios, évaluer les risques, et, étrangement, faire confiance sur un coup de tête à une inconnue.

 

Dans le même temps, les services secrets sont à ses trousses. Mais on ne nous donne pas toutes les données. Le réalisateur nous met dans la position du héros : on ne sait pas tout. Alors, on doute, on suppute, on a peur de l’inconnu, on a peur de ses poursuivants, on se sent comme l’animal pourchassé par une meute de traqueurs. Le taux d’adrénaline monte. Le monde extérieur est imprévisible. Le danger peut venir de n’importe où, n’importe quand. On ne maîtrise pas ce qui se passe. On ne peut pas ne pas se poser de questions. On manque cruellement d’informations sur qui est qui, pourquoi, quand, où ? On ne peut que supposer ; alors, on invente des probabilités, on envisage des pistes. Comme lui, on craint pour sa vie, « Je ne sais pas comment j’en suis arrivé là, mon plus vieux souvenir remonte à quinze jours, c’est le flou total, je ne sais pas qui je suis, je ne sais pas où je vais.. »

 

Comme souvent avec ce profil Ennéagramme, le monde déstabilisé qui le contraint à l’inquiétude le fait douter de sa lucidité mentale : ses craintes sont-elles réelles ou sont–elles le fruit de son imagination ?  Il doute, même de ça. Alors, il fait le point entre les faits et son imaginaire : « Je n’invente rien, tout ça est bien réel : qui louerait un coffre pour mettre à l’abri un pistolet, six passeports et du liquide ? Qui se balade avec un numéro de compte greffé dans la hanche ? On entre tous les deux ici, et la première chose que je fais en entrant ici, c’est de repérer les lieux et de voir où se trouve la sortie… » On comprend aisément son doute, vu le manque d’éléments pour comprendre ce qui se passe.

Dans la camp d’en face, chez les méchants, ce n’est pas beaucoup mieux : « Mais où veut-il en venir, est-ce que c’est un jeu, une mise en garde, une menace ? »

Le résultat de cette double incertitude, c’est que la peur monte de part et d’autre. Le manque de repères, le flou de la situation créent de la peur.

Le sous-type Ennéagramme survie

Le profil survie est évident : l’histoire de Jason Bourne consiste à rester en vie. Par ailleurs, il est souvent question de la gestion de l’instant, de maintenir son corps en alerte, d’argent-qui- garantit–la-sécurité.

Notion de proximité : « Tu dois t’éloigner. Ce n’est pas la peine d’attendre que ça dégénère. Si tu restes avec moi, c’est ta vie que tu risques. »

Apprentissage Ennéagramme

Il y a beaucoup à dire. Si on se met dans la peau du personnage, c’est un film idéal pour essayer de vivre le monde du type Ennéagramme Six de l’intérieur.

Le mot peur, en français, a bien piètre connotation. De nombreux participants en stage Ennéagramme refusent ce profil parce qu’ils ont le sentiment de ne pas faire partie des gens concernés par la peur. Alors, on peut essayer de traduire ce mot par d’autres. Par exemple : l’inquiétude est saine, elle permet d’anticiper et augmente la vivacité intellectuelle. Douter, c’est un atout qui garantit la sécurité.

Dans ce film, on voit bien comment l’esprit de décision peut devenir aiguisé lorsque monte le danger. L’adrénaline fait grimper la moulinette de l’intelligence et le « chat écorché vif » devient hyper agile, les griffes deviennent acérées, la rapidité d’action devient vive.

Ce film montre aussi les deux pôles possibles de ce profil Ennéagramme Six : fuir ou faire face. Dans la plupart des livres Ennéagramme, ces mots sont traduits par la polarité Peur-Courage. Dans ce film, cela donne : « Je ne peux pas fuir avec toi. Si je m’en vais, je serai condamné à fuir tout le temps, sans savoir d’où vient la menace, ni qui veut m’éliminer… Je dois rester ici pour trouver la solution. » Le doute est permanent mais il peut prendre deux formes : soit me paralyser, faute d’assez d’informations, soit me dynamiser pour trouver des solutions. De toute façon, c’est par mes capacités mentales que je m’en sortirai.  Comme dans une aventure de détective, c’est par l’intelligence que l’on décodera l’énigme. Et donc, accélération des cellules grises qui se mettent à phosphorer, accumuler les informations, évaluer les risques… survivre est à ce prix. Le mental doit turbiner à toute vitesse. On n’est en paix nulle part. Dans le film, après une poursuite éperdue, cela donne : « On va souffler un peu et il faut que je réfléchisse. »

Très jolies vues sur Paris, Matt Damon étourdissant dans son rôle, le film vous tient en haleine jusqu’au bout. Attention : n’espérez pas vous coucher tranquille après ça, un petit temps de récupération sera probablement nécessaire. Quant aux représentants de ce profil Ennéagramme, je pense qu’ils seront heureux de voir les qualités de leur base joliment représentées à l’écran. Bon film !

En savoir plus sur :

Le type 6 de l’Ennéagramme
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