GEMMA BOVERYRéalisé par Anne Fontaine

Film d’Anne Fontaine, 2014

Avec Fabrice Lucchini et Gemma Arterton

 

 

L’Histoire

Martin est un ex-bobo parisien reconverti en boulanger d’un village normand. De ses ambitions de jeunesse, il lui reste une forte capacité d’imagination ainsi qu’une vive passion pour la grande littérature, celle de Gustave Flaubert, notamment. On devine son émoi lorsqu’un couple d’Anglais, aux noms étrangement familiers, viennent s’installer dans la ferme voisine. Non seulement les nouveaux venus s’appellent Gemma et Charles Bovery mais, mieux encore, leurs comportements semblent s’inspirer des héros de Flaubert. Pour le créateur qui sommeille en Martin, l’occasion est trop belle de pétrir – outre sa farine quotidienne – le destin de personnages en chair et en os. Or, la jolie Gemma Bovery, elle, n’a pas lu ces classiques, et entend bien vivre sa propre vie…

 

Le type Quatre

Le représentant du type Quatre tend à amplifier les émotions, y compris celles qui n’ont pas lieu d’être. Comme si la banalité du quotidien lui était mortifère, il a souvent besoin soit d’éponger les émotions de ceux qui sont autour, soit de créer une émotion “virtuelle” par de possibles émotions que l’autre pourrait ressentir. On est là en plein fantasme émotionnel. Le besoin d’amplitude dans son coeur se mêle à l’imaginaire mental pour créer un cocktail qui lui sert de pis aller, étant lui-même en manque d’émotions fortes à ce moment là. Dans ce film, les similitudes entre les noms d’Emma et de Charles Bovery et ceux du livre de Flaubert vont servir de support à l’imaginaire émotionnel de Martin (Fabrice Lucchini).

En psychologie, on parle d’introjection. C’est légèrement différent de ce qui se passe dans le film, mais c’est éclairant de ce que vivent souvent les représentants du type Quatre.  L’introjection, c’est le mécanisme qui consiste à s’approprier la personne idéalisée à l’intérieur de soi afin d’éviter la souffrance de la séparation. C’est comparer le ressenti présent avec un autre, passé ou à venir. C’est comme si l’enfant de profil Quatre avait vécu un jour des moments de pur bonheur, et qu’il avait gardé gravée en lui la mémoire de ces instants intenses. Adulte, quand il va rencontrer quelqu’un, il espère inconsciemment revivre un moment aussi merveilleux que dans son souvenir.

Le film Gemma Bovery tourne autour de ce mécanisme de défense, souvent associé au profil Quatre. Martin (Fabrice Lucchini) cherche à sublimer son quotidien. Il y parvient par la sensualité (pétrir le pain), mais il passe surtout par l’imaginaire. Et comme il est empreint des héros et héroïnes de Flaubert, il va introjecter dans sa vie d’aujourd’hui les émotions qu’il a ressenties en lisant Flaubert autrefois. Il va idéaliser sa voisine et va espérer revivre à travers elle une rare intensité d’émotions. Martin va donc fantasmer sur sa voisine. Pas forcément sexuellement, plutôt émotionnellement. Il va souhaiter la voir vivre des relations humaines exceptionnelles… et espérer en faire partie.

 

Le sous-type en tête-à-tête

Est flagrant et omniprésent. Martin devient obnubilé par sa voisine, Gemma. Et il va entrer en « compétition » avec les autres hommes qu’elle rencontre. Pour combler un sentiment de déficience personnelle et mettre du piment dans sa vie, cette compétition lui sert de motivation pour se dépasser.

Son regard envers elle, sans être dévorant, est empreint de quelque chose de particulier. Et l’essentiel de son imaginaire tourne autour d’elle et de ses relations. Au point que son fils ne s’y trompe pas et va même s’en moquer…

 

Le profil Neuf en tête-à-tête 

C’est l’autre « cadeau » du film : le personnage de Gemma incarne merveilleusement cette capacité à séduire « incidemment ». On distingue, en effet, chez les sous-types en tête-à-tête, deux polarités : celle des « séducteurs actifs au sex-appeal provoquant » et celle des « séduisants attirant l’autre vers eux ». Gemma entre dans cette deuxième catégorie. Elle est gracieuse, fraîche, pleine de vie et son sex-appeal est naturel, sans demande apparente. Elle semble subir les événements plutôt que les provoquer, tout en impactant les autres de cette énergie particulière du tête-à-tête.

 

Conclusion

Le film est sensible, à la fois drôle et profond, et suffisamment crédible pour que l’on se sente humainement touché. Il met de la légèreté sur cette vie intérieure du profil Quatre, pas toujours facile à comprendre, et qui apparaît bien joliment ici, sous une forme sobre et délicate.

Deux acteurs formidables dans un scénario original, une très belle qualité d’images, merci à la réalisatrice Anne Fontaine et vive Gemma Bovery !

 

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