lawrence-darabie-v2Film de David Lean, 1962

avec Peter O’Toole

 

Type quatre sous-type tête-à-tête

Le choix de ce film pour le Quatre tête-à-tête peut surprendre à deux titres. Le premier, c’est qu’il contient pas mal de thèmes de survie et qu’on pourrait voir ce héros comme un Quatre survie intrépide. On pourrait. Pour ma part, je vois davantage l’exaltation passionnée propre au tête-à-tête. La seconde surprise pourrait provenir du fait qu’il n’est pas question ici d’une histoire d’amour entre un homme et une femme, mais entre un homme et sa vocation. Pour rappel, l’intensité qu’est capable de produire un sous-type tête-à-tête peut aller sur tout support qui le passionne : être cher, mais aussi travail, lecture, création artistique…

L’histoire

1915, Le Caire. À l’époque, la péninsule arabique est peuplée de tribus nomades que les occidentaux considèrent comme arriérées sur tous les plans. Mais, dans la guerre contre la Turquie, cette région est devenue stratégique. Le lieutenant Lawrence est officier de sa gracieuse Majesté, mais c’est un militaire plutôt atypique : individualiste, anti-autoritaire, il ne sait pas saluer et cela lui est bien égal. Féru de Thémistocle et de langues orientales, il est perçu comme un poète un peu déphasé dans ce milieu militaire. Il est sujet à des hauts et des bas émotionnels, ainsi qu’à des périodes philosophiques… Un jour, Lawrence est envoyé en mission auprès du roi Fayçal, chef d’une des plus grandes tribus. Objectif : déceler les intentions de Fayçal et revenir rendre compte. Dès la première entrevue, Fayçal est séduit par le côté décalé de Lawrence. Prié de décrire son pays, Lawrence décrit l’Angleterre et ses coutumes sans rien enjoliver et termine par mais je ne suis pas comme les autres. De fait, il va oser donner son point de vue personnel à toutes les questions que Fayçal lui posera, en laissant parler les émotions de son cœur, contre l’avis de son supérieur hiérarchique qui lui fait les gros yeux. Il ira même jusqu’à décrire les Arabes comme un peuple absurde, barbare, cruel et rapace. Mais Fayçal va être touché par cette authenticité, tellement contraire à l’habituelle langue de bois diplomatique.

Le sous-type tête-à-tête

Il va y avoir plusieurs face-à-face entre Lawrence et d’autres personnages du film. Tous pourraient servir de modèles pour décrire les caractéristiques du tête-à-tête : intensité du regard, intensité émotionnelle, intensité du non verbal. Les deux interlocuteurs seront souvent filmés en gros plan pour faire ressortir la connexion privilégiée dans laquelle ils se trouvent. Plus rien au monde n’existe que ce rapport duel, quel que soit le nombre de personnes dans la pièce ou les bruits extérieurs. L’authenticité reviendra régulièrement dans ce film : refuser de boire la moindre goutte d’eau dans le désert tant que son guide n’aura pas bu, risquer sa vie pour aller rechercher seul, à l’heure la plus chaude, un nomade tombé de son chameau. Mettre ses actes en cohérence avec l’émotion présente, quelle qu’elle soit.

D’autres facettes du type Quatre ressortiront : le comportement de Lawrence démontrera qu’il est unique, différent, à part : «  Personne n’a jamais traversé le désert du Nefud ? Moi, je le ferai ! » Mieux encore, il aura l’idée d’unifier plusieurs tribus – ce que personne ne croyait possible, pas même les intéressés – pour attaquer à revers, en venant du désert, le port d’Aqaba sur la mer Rouge. Ce qui, également, semblait dément. Officier anglais, il demandera à Fayçal s’il peut se revendiquer de : « servir Fayçal de La Mecque ». Réponse du roi : « Et vous quelle cause servez-vous, au juste ? » En fait, il suit son cœur.

Ce passionné tombera également amoureux du désert et semblera plus fidèle à l’Arabie qu’à l’Angleterre. Mais contrairement à cette culture arabe qu’il respecte tant, il refuse de croire que tout est écrit. Il décide, lui, que rien n’est écrit. Et que chacun peut écrire sa propre histoire. À la fin du film, le héros aura accompli son rêve : unifier les tribus de la péninsule Arabique autour d’un projet commun. Alors, il pourra se retirer, pour laisser la place aux sous-types sociaux qui entameront le processus politique. En résumé, un tête-à-tête va insuffler son énergie à des tribus survie pour qu’ils s’organisent socialement.