un-coeur-en-hiver-v2

Film de Claude Sautet, 1992

avec Daniel Auteuil et Emmanuelle Béart

 

 

L’histoire

1980, Paris. Stéphane et Maxime gèrent ensemble une lutherie à Paris. Un jour, Maxime présente à Stéphane, sa nouvelle conquête, Camille, une violoniste réputée. Cette fois, la conquête semble sérieuse. Maxime décide de divorcer pour elle. Au fur et à mesure du film, un lien va se tisser entre Stéphane (Daniel Auteuil) et Camille (Emmanuelle Béart). L’histoire évoque la tension qui peut exister dans le cœur d’un Cinq tête-à-tête : d’un côté, le besoin du tête-à-tête de se rassurer sur sa capacité à séduire et, de l’autre, la difficulté du Cinq à se laisser approcher dans son intimité. Le type Cinq est partout présent. Peu après le générique, Stéphane décrit la situation, avec un langage fait de phrases courtes et de mots simples : « Maxime et moi, on se connaît sans se parler. Il s’occupe des clients. Sait les écouter, les faire parler, apaiser leurs craintes. C’est dans cette confiance qu’ils nous amènent leur bien le plus précieux, leur violon. Maxime ne les regarde pas comme des clients, mais comme des patients. Sorti du travail, chacun vit de son côté. Sur les lieux où je vais, les gens que je vois quand nous ne sommes pas ensemble, Maxime ne me pose pas de questions et c’est très bien comme ça. »

Le type cinq

Dans un dîner, où on lui demande de prendre parti, il refuse. On lui demande s’il est au-dessus du débat ? Il répond qu’il entend des avis contradictoires, tous valables. On l’attaque, en lui disant que se taire, c’est facile, c’est plus tranquille, cela permet de ne pas s’exposer. Il répond que s’il ne s’expose pas, c’est peut-être par peur. Le type Cinq est également présent dans le non verbal. C’est un film très intimiste : peu de paroles, finalement, mais des expressions de visage, des mises en situation où, au son de la musique, on vous laisse prendre le temps d’observer ce qui se passe. Dans l’atelier, se dégage également une énergie Cinq, sobre, à la limite de l’austère. Le sous-type tête-à-tête est également bien visible : Daniel Auteuil parvient à intensifier sa présence, son regard. Juste ce qu’il faut et pas trop, pour que l’on comprenne que son personnage est dans la séduction. Comme Camille est également du même sous-type, le film va s’imprégner de cette forme d’intimité caractéristique du tête-à-tête. L’attraction est double. Camille va être attirée par Stéphane, homme énigmatique et introverti comme elle n’en a jamais rencontré. Elle est fascinée. Elle, aussi, cherche à se rassurer sur ses capacités à séduire. Convaincue qu’elle va pouvoir traverser son périmètre de sécurité et l’atteindre dans son cœur, elle va multiplier les travaux d’approche et tenter de l’apprivoiser. Lui, il laisse venir, troublé, pas sûr de pouvoir s’ouvrir à elle. C’est dans l’atelier que va avoir lieu leur première conversation. Elle ose parler de ses émotions, de ce qu’elle ressent pour son agent, avec laquelle elle vient de se disputer. En peu d’interventions, il trouve les mots qui l’aident à se dire et à pacifier son émoi.

Le film nous montre également la sensibilité du Cinq, conscient de ce qui se passe : « A un moment donné, j’ai eu l’impression qu’elle avait plus envie de déjeuner avec moi qu’avec Maxime. » La sensibilité est là, c’est l’incarnation, le vécu des émotions, le passage à l’acte, qui sont difficiles. Et donc, la rétraction, la sobriété deviennent des alliés. « Jamais amoureux ? » « Cela a dû m’arriver ! » « Pourquoi avoir arrêté le Conservatoire ? » « Pas doué. » « Toujours habité seul ? » « Oui. » « Vous n’aimez pas parler de vous ? » « ça ne sert pas à grand chose. » Sans l’ennéagramme, je pense que la plupart des spectateurs doivent avoir du mal à trouver crédible ce rôle d’introverti qui voit une charmante jeune femme dont il est amoureux se jeter à son cou et rester insensible. Faute de savoir quoi faire de ses sentiments, il décide de couper la relation. Elle le relance. Il ne peut pas suivre. Il est déjà submergé affectivement alors qu’il ne s’est toujours rien passé, même pas le moindre baiser. Il décide de durcir le ton. « Il n’y a pas d’amitié entre Maxime et moi. On est partenaires, pour le meilleur intérêt de chacun. »  « Qu’est-ce que c’est que cette façon de vouloir tout réduire ? Vous vous protégez de quoi ? Vous n’êtes pas comme ça, ça n’existe pas. Personne n’est comme ça. Je ne comprends pas ce plaisir que vous avez à donner de vous une image désagréable. Vous faites comme si les émotions n’existaient pas, mais ma musique, vous l’aimez ! » « La musique, c’est du rêve. » Si on voulait pousser plus loin l’analyse, il est probable que Camille est de type Quatre tête-à-tête. Et donc, de son point de vue, une telle volonté de non expression des émotions est inconcevable. Et, de l’autre côté, elle sent bien que leurs deux sous-types en tête-à-tête se trouvent facilement, qu’il y a complicité, intimité partagée. Elle ne va pas laisser tomber et lui, il va poursuivre son combat, partagé entre l’envie d’aller vers de son sous-type et le réflexe de se rétracter de son type.